Apprendre à désapprendre



Isabelle Barth


Dans un monde qui semble en perpétuel changement, qui nous amène à nous confronter sans cesse à de nouveaux contextes, à de nouveaux interlocuteurs, de nouvelles méthodes, notre capacité d’adaptation peut être mise à rude épreuve et nous donner le sentiment que tout ce que nous avions appris par le passé ne sert à rien, et même nous encombre ! C’est le moment d’apprendre à désapprendre !



 
Pas de touche « reset » dans le cerveau


Attention, désapprendre ne veut pas dire faire une purge de tout ce que nous avons patiemment appris et retenu au cours des années précédentes ! Il n’y a pas de touche « reset » dans le cerveau humain ou dans les organisations ! Désapprendre, c’est accepter d’apprendre autrement. Ce qui nécessite d’adopter trois nouvelles attitudes :

- La première est de se dire que le savoir n’est pas du remplissage de crâne. En 2016, le flux informationnel est tel que l’enjeu n’est plus seulement de mémoriser mais surtout de savoir repérer l’information, de lui donner du sens, de se doter de capacité de décryptage du monde qui nous entoure.

- La deuxième est dans la capacité à se poser plus seulement la question du « pourquoi ? » que du « comment ? », c’est-à-dire cultiver la réflexivité, en prenant du recul avec ce que l’on fait, ce que l’on sait, ce qu’on nous demande faire, ce qu’on nous dit. Le « on » pouvant être le professeur, le manager, mais aussi les réseaux sociaux ou les blogs. Savoir c’est bien, mais comprendre c’est mieux.

- La troisième est de ne pas se contenter de faire comme avant, de reproduire sans fin le passé. La vie est un changement permanent et requiert une capacité d’adaptation en continu. Ce qui a bien fonctionné un moment doit être revu et revisité pour avancer et innover. Certes, il n’est pas simple d’utiliser un nouveau logiciel, une nouvelle procédure, une nouvelle modalité pédagogique, mais c’est dans ce réapprentissage constant que se loge l’évolution et l’innovation.
 

Savoir abandonner

 

Désapprendre, c'est abandonner des zones de certitudes, de pouvoir, de confort. Il faut se demander jusqu'où on accepte d'aller dans ce processus d'abandon. Car abandonner ce qu'on savait, c'est quitter celui ou celle qu'on pensait être. Et cela fait peur, provoque du rejet et de la résistance. On le sait, le phénomène de perte d'identité professionnelle est source de nombreux risques psycho-sociaux. 

Pour désapprendre et réapprendre, il faut accepter de quitter le prescrit pour aller vers le réel. Il n'y a pas de changement idéal et radical,les changement réussis ont tous subi des adaptations et des bricolages facilitant leur appropriation. Sinon, c'est l'acceptation de surface et la petite phrase : "J'ai bien compris ... mais enfin ...", avec le petit  carnet qui continue à côtoyer le logiciel, le coup de fil qui perdure en lieu et place de la procédure écrite, et qui sont autant de signes de de la résistance à un renoncement.
 

Pourquoi désapprendre ?

 
Finalement quel est le but ? Réussir ! Réussir quoi ? Réussir à mener une vie en adéquation avec mes aspirations et la conduire selon mes vœux, pas selon ceux de mes parents, de mes profs ou de mon patron. La réussite par la capacité à désapprendre et réapprendre n’est pas dans le « toujours plus » mais le « toujours mieux ». Le monde, et particulièrement le monde professionnel n’attendent pas des personnes qui restent figées dans le passé avec comme mantra le «c’était mieux avant ». 

L’entreprise, la société ont besoin de personnes, de consommateurs, de citoyens en capacité d’inventer, de se réinventer. Chacun va passer sa vie à apprendre, désapprendre et réapprendre, les anciens apprentissages enrichissant les nouveaux. Il ne s’agit pas d’« oublier ce que l’on sait faire » mais bien de rester en éveil, de se libérer des idées reçues, des certitudes et des automatismes pour cultiver sa différence et construire son destin

Isabelle Barth, Professeur des Université, Directrice de l'EM Strasbourg.
 
Pour citer cet article : Barth, I., 2016, Apprendre à désapprendre, 13 mai, RMS Magazine.
 
 
  

Isabelle Barth