Comment créer des business models plus durables



Romain Zerbib


Pour enrayer la course aux volumes, les nouveaux modèles économiques doivent concilier rentabilité et impact social et environnemental, en se concentrant sur la valeur servicielle.



La grande majorité des modèles économiques actuels nous placent devant de terribles paradoxes. Ils appellent à vendre toujours plus, alors même qu’un nombre croissant de marchés sont saturés ou qu’ils sont en voie de l’être. Dans cette course aux volumes, ces modèles requièrent une quantité croissante de matières premières et d’énergie alors même que nos ressources sont limitées. Pourquoi dès lors nous étonner de l’hyper concurrence, de la banalisation croissante des offres, faisant trop souvent du prix le principal facteur discriminant, et conduisant inexorablement à une érosion des marges ? Comment espérer concilier réussite économique, préservation de notre environnement et accroissement du bien-être ? Le processeur même de nos modèles économiques n’est-il pas périmé ? Heureusement, il existe une alternative à la course aux volumes.


Imaginez un instant concevoir, fabriquer et vendre des produits phytosanitaires pour les agriculteurs. Herbicides, fongicides, défoliants, insecticides… Tous font partie de la gamme que vous mettez sur le marché. En facturant vos produits à la quantité vendue, difficile ­– pour ne pas dire impossible – de concilier réussite économique et amélioration environnementale, sociale ou sanitaire notable. Difficile, aussi, d’aller dans le sens d’une réglementation et d’une attente sociale prônant toujours moins d’intrants chimiques dans nos cultures.

Facturer une solution intégrée


Une autre voie est pourtant possible. En interrogeant la raison d’être profonde de votre entreprise  face au besoin réel de l’agriculteur, il devient alors logique de protéger les cultures des nuisibles et des maladies. Ne serait-il dès lors pas envisageable de vendre à l’agriculteur, en lieu et place des bidons de produits chimiques, une solution intégrée de protection de ses cultures, facturée à l’hectare ?


Simple pirouette marketing ? Non, car en vous rémunérant à l’hectare protégé, la quantité de pesticides introduite dans les champs n’est plus le moteur de votre revenu, mais un coût qu’il est désormais avantageux de réduire. Réorienter sa R&D pour trouver des solutions moins gourmandes en produits, voire des solutions de substitution moins coûteuses à mettre en œuvre, devient un enjeu stratégique de développement. Ainsi, le piégeage de parasites avec des phéromones ou l’introduction d’insectes prédateurs des nuisibles deviennent, par exemple, des solutions avantageuses à déployer, et les services écologiques rendus, monétisables. Ce faisant, le bilan environnemental et social de l’entreprise peut s’améliorer en même temps que la réussite économique et financière.

Cocréer de la valeur


En passant d’une logique volumique à une logique centrée sur la valeur servicielle d’une solution intégrée, la dynamique de création, de production et de monétisation de la valeur devient radicalement différente. Elle permet de créer un rapport totalement renouvelé avec l’agriculteur, en fondant la relation sur la cocréation et la coopération. La capacité à construire avec lui les solutions les plus appropriées au contexte spécifique des parcelles à protéger devient stratégique (lire aussi la chronique : « Redécouvrez l’intelligence collective »). Dans ce contexte, la confiance, la pertinence des solutions déployées, la connaissance dans des domaines non plus seulement agronomiques et chimiques, mais aussi biologiques et entomologiques deviennent des ressources clés. Soit autant de ressources immatérielles qui sont de facto placées au cœur de ce nouveau modèle économique et dont la qualité influe directement sur l’efficience de la solution.


Alors même que, dans le modèle initial, les revenus et la rentabilité étaient fondées sur la capacité à vendre toujours plus de produits, le moteur de la rentabilité devient désormais l’intelligence et l’ingéniosité avec lesquelles les objectifs de protection sont atteints. Soit des ressources immatérielles qui, contrairement aux ressources matérielles, sont potentiellement illimitées !

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Publié par Christophe Sempels, directeur scientifique d’ImmaTerra (anciennement Club Cap EF), sur Hbrfrance.fr


Romain Zerbib