Intelligence économique et pôles de compétitivité



La Rédaction


A l’occasion de la parution de son ouvrage intitulé « Intelligence économique et pôles de compétitivité », publié aux éditions VAPRESS, Damien BRUTE DE REMUR a accepté de répondre à nos questions.



Q 1. Qu’est ce qui vous a poussé à écrire ce livre ?

Je me suis intéressé dès le départ aux pôles de compétitivité dans le cadre de mes activités d’enseignement à l’université (stratégie, management international et marketing). On m’avait d’ailleurs consulté au moment de la constitution de l’un d’eux, et à l’époque mes recherches étaient ciblées sur la sécurité de l’information : la question était très sensible dans le contexte des projets innovants collaboratifs. Le partage d’informations stratégiques suppose une protection parfaite (mais on sait que le risque « 0 » n’existe pas … que faire ?). D’une manière générale l’initiative des pôles de compétitivité est sans doute une des rares opérations favorables au développement pilotées par la puissance publique. Elle est un pas considérable vers une possible guérison d’un mal français caractéristique : le cloisonnement des acteurs. J’ai donc répondu favorablement quand un cabinet sérieux m’a proposé une collaboration dans ce travail en IE sur un pôle de compétitivité.

En faire un livre m’a paru évident quand j’ai pris conscience de la réalité du travail réalisé.

Q 2. Cloisonnement des acteurs ?

Si vous me permettez je vais me lâcher un peu … au fond le moment est peut être venu de dire ce que j’ai vécu !!! Soyons concrets : Il est très mal vu pour un professeur d’université de travailler aussi, à temps partiel, pour des entreprises. On comprend les arguments : on profiterait d’une position publique pour valoriser ses compétences à titre privé. Mais quand il s’agit de médecine on sait bien que la recherche pharmaceutique et médicale ne peut se passer de l’industrie ou de la clinique. Est-il possible d’enseigner la gestion sans avoir jamais mis les pieds dans une entreprise en dehors de stages ou de travaux de recherche pure ? Quand j’avais la responsabilité d’un cabinet de conseil, ayant le gout du travail en équipe,  j’ai parfois fait appel à des collègues sur des dossiers d’entreprise. J’ai eu tout type de réaction… jusqu’à l’appel téléphonique brutal d’un ami, chef d’entreprise régionale importante, le lendemain d’une intervention : « Ne m’amène plus jamais cet abruti ! ». Ce collègue était pourtant reconnu et coté parmi les meilleurs nationaux dans sa spécialité ! Dieu merci ça n’est pas la majorité des cas ; mais c’est tout de même symptomatique ! L’entreprise est un milieu dont les exigences ne sont pas les mêmes que l’enseignement et la recherche. Et pourtant mon expérience m’a appris qu’elle a beaucoup à gagner à se rapprocher de la recherche ! Les pôles sont des occasions rêvées ! On retrouve ce cloisonnement malheureusement partout et typiquement dans le personnel politique.

Le responsable du cabinet qui m’a sollicité pour ce travail avec le pôle Terralia avait tout pour me séduire : ancien de l’UTC de Compiègne, happé par le monde professionnel avant d’avoir pu soutenir sa thèse, ancien responsable d’un service public d’appui à l’innovation, il était un peu mon « pendant » dans le monde des affaires, travaillant sur le terrain avec une solide expérience de recherche, alors que je suis chercheur avec expérience du terrain : nous ne pouvions que nous entendre tout en étant complémentaires !

Sur la quatrième de couverture de l’ouvrage que j’ai publié en 2006 (Ce que IE veut dire), l’éditeur (Eyrolles) a voulu souligner que j’ai reçu l’IE comme le domaine de la rencontre/réconciliation de la sphère privée et de la sphère publique… travail très difficile en France (je me rêve en Don Quichotte contre les moulins à vent !).

Vous comprenez pourquoi le sujet des pôles m’a passionné !

Q 3. Et alors ? qu’avez-vous trouvé… vous le chercheur ?

D’abord beaucoup de confirmations des intuitions que certains chercheurs ont eu, comme moi, sur le sujet de l’IE :
 
- Ça n’est pas une technique mais une culture.
 
- Il ne s’agit pas d’inventer un nouveau domaine mais de faire coexister et collaborer des domaines et des spécialistes variés (statistiques, veille, prospective, stratégie, gestion documentaire, etc.).

- On ne peut pas faire de l’IE à partir de rien : il faut une solide formation et sans doute une bonne expérience professionnelle. Je pense que c’est un sujet de formation permanente ! Cela ne veut pas dire qu’on ne doit pas sensibiliser en initiale… mais former : non !

- Il n’y a pas sérieusement d’IE sans appel à la vision systémique.

Et la liste n’est pas limitative !

Ensuite l’occasion de créer des outils adaptés dans des situations concrètes.

Enfin un approfondissement-renforcement de mes convictions sur mes axes de réflexion.

Q 4. Quels sont donc les grands axes que vous développez dans l’ouvrage ? Parlez-vous de tout cela ?

Même bien remplies les 160 pages ne suffiraient évidemment pas !

J’ai pris soin de présenter d’abord une synthèse sur l’IE et les réseaux d’entreprises (clusters et autres…) pour que nous soyons en harmonie le lecteur et moi. Les mots ne sont alors plus un obstacle comme parfois, les concepts et les idées sont directement accessibles. Ceux qui connaissent déjà l’IE peuvent lire la moitié de l’ouvrage en diagonale !

Il fallait aussi que le contexte de ce travail soit détaillé et bien perçu tant il est vrai que tout discours est inséparable de son contexte et c’est encore plus vrai pour l’IE, discipline d’action.

 J’ai ensuite plutôt cherché à mettre en valeur deux thèmes principalement :
 
- Le premier est conceptuel : c’est ce que j’ai appelé dans un article pour R2IE le « management par l’information », petite révolution culturelle ! Cela suppose pour les professionnels un changement profond de leurs habitudes ! Nous avons créé quelques outils spécifiques et fait des propositions d’amélioration pour d’autres.

- Le deuxième est pratique : nous avons expérimenté que le « message » IE est difficile à faire passer sinon par l’accompagnement dans l’action. Ce fut une expérience très positive en ce sens… et le livre en est le récit !

Le livre se veut in fine un guide pratique.

Les témoignages recueillis auprès de quelques grands noms de l’IE, à commencer par Alain Juillet, et relatés dans le livre, m’ont confirmé dans ces orientations.
 
Q 5. Que diriez-vous en synthèse aux responsables des pôles après cette expérience ?

Si nous avions à inventer une structure type d’IE nous n’aurions pas fait autre chose que le pôle de compétitivité. Pour un pôle l’IE n’est pas une option : les responsables doivent comprendre que c’est à proprement parler l’ADN des pôles !
J’espère l’avoir démontré et permettre sa mise en action.
 

La Rédaction