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En effet, avant l’avènement et le triomphe de l’économie politique au 18ème siècle, la pauvreté fut surtout analysée par la philosophie politique. En 1697 le philosophe John Locke présenta un rapport au ministère du Commerce et des Colonies en réponse à la question « Comment mettre les pauvres au travail, selon quelles méthodes et quels moyens ? ». Les propositions de Locke ont pour noms droit à l’assistance, travail forcé et maison de correction. Surtout il ne peut y avoir de charité avant d’avoir été obligé de travailler.
Dans « Le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes » [1755], Jean-Jacques Rousseau va mettre un bémol aux recommandations de John Locke en soutenant qu’en dehors des inégalités naturelles contre lesquelles on ne peut grand chose, les inégalités sociales, car construites, doivent avoir un destin politique. Selon lui, l’apparition de la propriété privée, cause première des inégalités sociales, est aussi le moment où l’homme bascule dans la vie politique avec la naissance d’une société civile. C’est à cette dernière de résoudre ce problème via le contrat social.
L’économie politique va ensuite dominer cette question. Elle ne cherchera plus quel programme politique mettre en place pour résoudre le problème des pauvres, mais quelle est la mesure palliative compatible au bon fonctionnement des lois naturelles de l’économie. De ce fait, dans « La théorie des sentiments moraux » [1759], Adam Smith pense comme Mandeville [1714] que « La richesse consiste dans une multitude de pauvres au travail » même forcé.
Par la suite, Thomas Robert Malthus publia en 1798 son « Essai sur le principe de la population en tant qu’il affecte l’amélioration future de la société ». Sa conclusion est que l’inégalité dans la croissance démographique et la croissance économique, la première étant supérieure à la seconde, s’explique finalement par le fait que nourrir les pauvres coûte cher et fait baisser la croissance économique autant que la hausse du prix des ressources qu’entraîne la pression de la population pauvres sur les ressources disponibles mais limitées : la redistribution en faveur des pauvres accentue donc le problème sans le résoudre car, le lit du pauvre étant fécond, la reproduction biologique exubérante qui en résulte est réactivée et maintenue à flot par les aides sociales. David Ricardo, homme d’affaire avant de faire l’économie politique, sera encore plus insensible envers la souffrance des pauvres. Il proposa une abolition pur et simple des poor laws qui venaient en aide au indigents, chômeurs et démunis: « Aucun projet d’amendement des lois sur les pauvres ne mérite la moindre attention s’il ne vise, à terme, leur abolition » [Ricardo, 1817, p.127].
Il faut mieux contrôler les chômeurs, les chômeurs sont des tricheurs, les chômeurs coûtent cher à la collectivité, il faut que les gens paient pour avoir la vraie valeur des choses, les sans-emplois préfèrent un chômage de confort au travail sont quelques unes des idées inoxydables héritées de cette trajectoire de la pensée économique libérale sur les pauvres. Il en résulte un climat de méfiance et de suspicions envers les plus vulnérables de nos sociétés en les soupçonnant d’être de mauvais citoyen là où seul le chef d’entreprise devient le citoyen modèle car c’est lui qui seul créerait la richesse quand les chômeurs la consommeraient uniquement.
La Suédoise, gouvernement belge de centre droit, se situe dans cette filiation intellectuelle et donne raison à John Maynard Keynes qui disait : « Les idées des économistes et des philosophes politiques, qu’elles soient correctes ou non, sont plus puissantes que ce que l’on pense généralement. En réalité, elles dirigent le monde ou peu s’en faut. Les hommes d’action, qui pensent être dénués d’influence intellectuelle, sont en général les esclaves de quelque économiste défunt. »
* Thierry AMOUGOU, macroéconomiste, enseignant-chercheur, ESPO, UCL, DVLP & CriDis
Dans « Le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes » [1755], Jean-Jacques Rousseau va mettre un bémol aux recommandations de John Locke en soutenant qu’en dehors des inégalités naturelles contre lesquelles on ne peut grand chose, les inégalités sociales, car construites, doivent avoir un destin politique. Selon lui, l’apparition de la propriété privée, cause première des inégalités sociales, est aussi le moment où l’homme bascule dans la vie politique avec la naissance d’une société civile. C’est à cette dernière de résoudre ce problème via le contrat social.
L’économie politique va ensuite dominer cette question. Elle ne cherchera plus quel programme politique mettre en place pour résoudre le problème des pauvres, mais quelle est la mesure palliative compatible au bon fonctionnement des lois naturelles de l’économie. De ce fait, dans « La théorie des sentiments moraux » [1759], Adam Smith pense comme Mandeville [1714] que « La richesse consiste dans une multitude de pauvres au travail » même forcé.
Par la suite, Thomas Robert Malthus publia en 1798 son « Essai sur le principe de la population en tant qu’il affecte l’amélioration future de la société ». Sa conclusion est que l’inégalité dans la croissance démographique et la croissance économique, la première étant supérieure à la seconde, s’explique finalement par le fait que nourrir les pauvres coûte cher et fait baisser la croissance économique autant que la hausse du prix des ressources qu’entraîne la pression de la population pauvres sur les ressources disponibles mais limitées : la redistribution en faveur des pauvres accentue donc le problème sans le résoudre car, le lit du pauvre étant fécond, la reproduction biologique exubérante qui en résulte est réactivée et maintenue à flot par les aides sociales. David Ricardo, homme d’affaire avant de faire l’économie politique, sera encore plus insensible envers la souffrance des pauvres. Il proposa une abolition pur et simple des poor laws qui venaient en aide au indigents, chômeurs et démunis: « Aucun projet d’amendement des lois sur les pauvres ne mérite la moindre attention s’il ne vise, à terme, leur abolition » [Ricardo, 1817, p.127].
Il faut mieux contrôler les chômeurs, les chômeurs sont des tricheurs, les chômeurs coûtent cher à la collectivité, il faut que les gens paient pour avoir la vraie valeur des choses, les sans-emplois préfèrent un chômage de confort au travail sont quelques unes des idées inoxydables héritées de cette trajectoire de la pensée économique libérale sur les pauvres. Il en résulte un climat de méfiance et de suspicions envers les plus vulnérables de nos sociétés en les soupçonnant d’être de mauvais citoyen là où seul le chef d’entreprise devient le citoyen modèle car c’est lui qui seul créerait la richesse quand les chômeurs la consommeraient uniquement.
La Suédoise, gouvernement belge de centre droit, se situe dans cette filiation intellectuelle et donne raison à John Maynard Keynes qui disait : « Les idées des économistes et des philosophes politiques, qu’elles soient correctes ou non, sont plus puissantes que ce que l’on pense généralement. En réalité, elles dirigent le monde ou peu s’en faut. Les hommes d’action, qui pensent être dénués d’influence intellectuelle, sont en général les esclaves de quelque économiste défunt. »
* Thierry AMOUGOU, macroéconomiste, enseignant-chercheur, ESPO, UCL, DVLP & CriDis