La régie : contrôle total, mais risque maximal pour l’administration
Dans l’exercice de ses missions, l’administration peut être amenée à contracter avec différents opérateurs économiques, notamment privés, pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de fourniture ou de services. Ces contrats valent également pour la gestion de services publics. Le choix, pour l’administration, de recourir à tel ou tel mode de gestion d’un service public dépend de nombreux critères. Le type de projet envisagé, sa complexité, son coût initial et différé ou encore le risque lié à l’exploitation du service, sa capacité d’endettement permettent, pris ensemble, de définir le mode de gestion le plus adéquat.
La première option qui s’offre à une collectivité publique pour la gestion d’un service public est celle de la régie, par laquelle le service public est géré directement par une personne publique, avec ses propres agents et ressources. Ce mode de gestion a pour principal avantage de conférer à l’administration un contrôle quasi total sur l’exécution du service. Gestion des tarifs, évolution du service, fiscalité, etc. la régie confère à l’administration une souplesse que ne permet pas la gestion d’un service public dans le cadre d’un contrat. C’est l’une des raisons qui ont récemment poussé la métropole de Lyon à ne pas renouveler, à échéance 2022, le contrat de concession d’eau qui la liait à Veolia depuis 1853.
Toutefois, la régie a les inconvénients de ses avantages : le coût de développement et le risque d’exploitation du service reposent entièrement sur la collectivité publique, et, in fine, sur le contribuable. De plus, si ce mode de fonctionnement peut paraître adapté à la gestion de services publics basiques et à une échelle géographique restreinte (cantines, voirie, etc.), il en va différemment lorsqu’il s’agit de développer des infrastructures coûteuses et complexes (traitement des eaux). Il sera donc intéressant de tirer un bilan du retour à la régie à l’issue du mandat de l’actuelle équipe municipale lyonnaise et évaluer la qualité du service et de l’infrastructure.
La régie n’est pas particulièrement adaptée aux situations nécessitant un lourd investissement de départ initial, par exemple en cas de construction d’infrastructures. L’État et les collectivités publiques ne bénéficiant que de capacités d’endettement limitées, il est souvent plus avantageux de faire peser sur la partie privée le risque financier et opérationnel du développement et de la gestion d’un service public. Dans ce cas de figure, les marchés de partenariat constituent l’une des options disponibles pour faire face aux coûts de développement du service.
Les marchés de partenariat : souplesse de gestion, mais paiement différé dans le temps
Lorsque l’administration cherche à développer une infrastructure coûteuse et complexe, ses capacités de financement et ses compétences en interne peuvent se révéler insuffisantes. Le recours aux compétences du secteur privé devient dès lors une option viable.
La coopération entre l’administration et le secteur privé peut prendre différentes formes. L’une des plus utilisées est le marché de partenariat. Plus connus du grand public sous l’appellation de partenariat public-privé (PPP), les marchés de partenariat sont des contrats globaux impliquant un financement principalement privé et un paiement public différé. Le financement initial, la construction, l’exploitation et la maintenance de l’ouvrage sont assurés par le privé, qui est rémunéré par un système de loyer sur une durée déterminée. Les marchés de partenariat ont ainsi été utilisés pour de grands projets d’infrastructures dont le coût et la complexité ne pouvaient être assumés par la seule administration, comme le TGI de Paris (2,7 milliards d’euros).
Pour la personne publique, l’avantage à passer par ce type de contrat est triple. Le caractère global du contrat lui permet de s’adresser à un interlocuteur unique, chargé quant à lui d’animer d’éventuels autres partenaires privés. Le financement principalement privé du contrat s’entend au stade de l’investissement initial, et évite à la personne publique de débourser de grosses sommes pour le lancement d’un projet. Le partenaire privé est également chargé de l’entretien et de la maintenance de l’ouvrage jusqu’au terme du contrat et la remise de l’ouvrage à la partie publique.
En revanche, la souplesse initiale de ce type de contrat peut se révéler coûteuse sur le long terme. En contrepartie des risques financiers et opérationnels pris par la partie privée, ces contrats contiennent souvent des clauses contractuelles peu favorables à la partie publique, notamment au stade de l’entretien et de la maintenance de l’ouvrage. La construction du nouveau site du ministère de la Défense (« Balardgone ») à Paris en est l’illustration. Le consortium Opale Défense, opérateur privé du complexe pour le compte du ministère, a ainsi été épinglé pour le coût estimé prohibitif de la fourniture de matériel ou de travaux mineurs sur le site une fois ce dernier livré. L’entreprise Bouygues – à la tête du consortium – a été au centre de plusieurs dérapages financiers et d’affaires de corruption. Ce type de risque de dérapage financier pour l’administration disparaît avec le modèle de la concession.
Les concessions : un report de l’ensemble des risques sur la partie privée
Les contrats de concessions sont l’un des modes de gestion des services publics les plus utilisés pour les projets complexes et coûteux. Particulièrement intéressants pour l’administration, ils impliquent un transfert total des risques – financier, opérationnel, etc. – à la partie privée chargée de développer le service. En contrepartie du risque pris, l’opérateur privé se rémunère sur l’ensemble de la durée du contrat de concession.
Les contrats de concession sont particulièrement adaptés aux projets sur lesquels repose un risque de fréquentation du service. Ainsi, construire une autoroute qui ne serait pas autant fréquentée par les automobilistes que les projections ne le laissaient présager se révèlerait être un gouffre financier. En déléguant cette opération à une entreprise concessionnaire, l’administration, juridiquement propriétaire de l’ouvrage, fait peser sur la partie privée ce risque financier, tout en bénéficiant, en fin de contrat de concession, d’un ouvrage construit sans recours aux deniers publics. La logique est la même pour les autres services publics gérés en concession, tels que la distribution d’électricité ou encore les télécommunications : en cas de non-utilisation du service par les usagers, le risque financier repose sur la partie privée.
Du fait de l’image attachée au rôle de l’administration dans le développement et la gestion des services publics, les contrats de concession, à l’instar des marchés de partenariat, souffrent d’une mauvaise réputation. Ce constat est particulièrement vrai pour les contrats de concession d’autoroutes, qui concentrent les critiques, alors que les autres types de concessions (électricité, communication, etc.) sont relativement épargnés. Les critiques portent principalement sur les revenus des sociétés concessionnaires. Les études indépendantes montrent pourtant que le modèle concessionnaire est vertueux tant pour l’administration, qui se rémunère sur le service par l’impôt et les taxes, que pour le contribuable, car seul l’usager paye l’utilisation du service. Concernant les sociétés d’autoroutes, l’Autorité de régulation des transports (ART), à contre-courant des idées préconçues, a dressé dans un rapport récent un constat globalement positif des concessions autoroutières. L’ART a appelé à envisager toutes les options possibles au terme des contrats en cours – y compris le renouvellement des concessions.
Dans l’exercice de ses missions, l’administration peut être amenée à contracter avec différents opérateurs économiques, notamment privés, pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de fourniture ou de services. Ces contrats valent également pour la gestion de services publics. Le choix, pour l’administration, de recourir à tel ou tel mode de gestion d’un service public dépend de nombreux critères. Le type de projet envisagé, sa complexité, son coût initial et différé ou encore le risque lié à l’exploitation du service, sa capacité d’endettement permettent, pris ensemble, de définir le mode de gestion le plus adéquat.
La première option qui s’offre à une collectivité publique pour la gestion d’un service public est celle de la régie, par laquelle le service public est géré directement par une personne publique, avec ses propres agents et ressources. Ce mode de gestion a pour principal avantage de conférer à l’administration un contrôle quasi total sur l’exécution du service. Gestion des tarifs, évolution du service, fiscalité, etc. la régie confère à l’administration une souplesse que ne permet pas la gestion d’un service public dans le cadre d’un contrat. C’est l’une des raisons qui ont récemment poussé la métropole de Lyon à ne pas renouveler, à échéance 2022, le contrat de concession d’eau qui la liait à Veolia depuis 1853.
Toutefois, la régie a les inconvénients de ses avantages : le coût de développement et le risque d’exploitation du service reposent entièrement sur la collectivité publique, et, in fine, sur le contribuable. De plus, si ce mode de fonctionnement peut paraître adapté à la gestion de services publics basiques et à une échelle géographique restreinte (cantines, voirie, etc.), il en va différemment lorsqu’il s’agit de développer des infrastructures coûteuses et complexes (traitement des eaux). Il sera donc intéressant de tirer un bilan du retour à la régie à l’issue du mandat de l’actuelle équipe municipale lyonnaise et évaluer la qualité du service et de l’infrastructure.
La régie n’est pas particulièrement adaptée aux situations nécessitant un lourd investissement de départ initial, par exemple en cas de construction d’infrastructures. L’État et les collectivités publiques ne bénéficiant que de capacités d’endettement limitées, il est souvent plus avantageux de faire peser sur la partie privée le risque financier et opérationnel du développement et de la gestion d’un service public. Dans ce cas de figure, les marchés de partenariat constituent l’une des options disponibles pour faire face aux coûts de développement du service.
Les marchés de partenariat : souplesse de gestion, mais paiement différé dans le temps
Lorsque l’administration cherche à développer une infrastructure coûteuse et complexe, ses capacités de financement et ses compétences en interne peuvent se révéler insuffisantes. Le recours aux compétences du secteur privé devient dès lors une option viable.
La coopération entre l’administration et le secteur privé peut prendre différentes formes. L’une des plus utilisées est le marché de partenariat. Plus connus du grand public sous l’appellation de partenariat public-privé (PPP), les marchés de partenariat sont des contrats globaux impliquant un financement principalement privé et un paiement public différé. Le financement initial, la construction, l’exploitation et la maintenance de l’ouvrage sont assurés par le privé, qui est rémunéré par un système de loyer sur une durée déterminée. Les marchés de partenariat ont ainsi été utilisés pour de grands projets d’infrastructures dont le coût et la complexité ne pouvaient être assumés par la seule administration, comme le TGI de Paris (2,7 milliards d’euros).
Pour la personne publique, l’avantage à passer par ce type de contrat est triple. Le caractère global du contrat lui permet de s’adresser à un interlocuteur unique, chargé quant à lui d’animer d’éventuels autres partenaires privés. Le financement principalement privé du contrat s’entend au stade de l’investissement initial, et évite à la personne publique de débourser de grosses sommes pour le lancement d’un projet. Le partenaire privé est également chargé de l’entretien et de la maintenance de l’ouvrage jusqu’au terme du contrat et la remise de l’ouvrage à la partie publique.
En revanche, la souplesse initiale de ce type de contrat peut se révéler coûteuse sur le long terme. En contrepartie des risques financiers et opérationnels pris par la partie privée, ces contrats contiennent souvent des clauses contractuelles peu favorables à la partie publique, notamment au stade de l’entretien et de la maintenance de l’ouvrage. La construction du nouveau site du ministère de la Défense (« Balardgone ») à Paris en est l’illustration. Le consortium Opale Défense, opérateur privé du complexe pour le compte du ministère, a ainsi été épinglé pour le coût estimé prohibitif de la fourniture de matériel ou de travaux mineurs sur le site une fois ce dernier livré. L’entreprise Bouygues – à la tête du consortium – a été au centre de plusieurs dérapages financiers et d’affaires de corruption. Ce type de risque de dérapage financier pour l’administration disparaît avec le modèle de la concession.
Les concessions : un report de l’ensemble des risques sur la partie privée
Les contrats de concessions sont l’un des modes de gestion des services publics les plus utilisés pour les projets complexes et coûteux. Particulièrement intéressants pour l’administration, ils impliquent un transfert total des risques – financier, opérationnel, etc. – à la partie privée chargée de développer le service. En contrepartie du risque pris, l’opérateur privé se rémunère sur l’ensemble de la durée du contrat de concession.
Les contrats de concession sont particulièrement adaptés aux projets sur lesquels repose un risque de fréquentation du service. Ainsi, construire une autoroute qui ne serait pas autant fréquentée par les automobilistes que les projections ne le laissaient présager se révèlerait être un gouffre financier. En déléguant cette opération à une entreprise concessionnaire, l’administration, juridiquement propriétaire de l’ouvrage, fait peser sur la partie privée ce risque financier, tout en bénéficiant, en fin de contrat de concession, d’un ouvrage construit sans recours aux deniers publics. La logique est la même pour les autres services publics gérés en concession, tels que la distribution d’électricité ou encore les télécommunications : en cas de non-utilisation du service par les usagers, le risque financier repose sur la partie privée.
Du fait de l’image attachée au rôle de l’administration dans le développement et la gestion des services publics, les contrats de concession, à l’instar des marchés de partenariat, souffrent d’une mauvaise réputation. Ce constat est particulièrement vrai pour les contrats de concession d’autoroutes, qui concentrent les critiques, alors que les autres types de concessions (électricité, communication, etc.) sont relativement épargnés. Les critiques portent principalement sur les revenus des sociétés concessionnaires. Les études indépendantes montrent pourtant que le modèle concessionnaire est vertueux tant pour l’administration, qui se rémunère sur le service par l’impôt et les taxes, que pour le contribuable, car seul l’usager paye l’utilisation du service. Concernant les sociétés d’autoroutes, l’Autorité de régulation des transports (ART), à contre-courant des idées préconçues, a dressé dans un rapport récent un constat globalement positif des concessions autoroutières. L’ART a appelé à envisager toutes les options possibles au terme des contrats en cours – y compris le renouvellement des concessions.