Cher Baptiste Rappin, vous avez publié en 2014 Au fondement du Management, et plus récemment en 2015, Heidegger et la question du Management, tous deux aux Éditions Ovadia. De manière générale, on peut dire que vous proposez une analyse philosophique du management : pouvez-vous nous en dire plus sur l’intérêt d’une perspective philosophique en management ?
La plupart des chercheurs en sciences de gestion cherchent à se rendre utiles aux organisations : que puis-je leur apporter ? quels outils puis-je proposer ? quelles pratiques puis-je étudier ? Ce faisant, nous oublions de nous interroger sur le sens : d’une part, de cette façon de faire de la science (l’utilité est-elle un critère scientifique ?), d’autre part sur les objets mêmes que l’on prend comme champs d’étude. La philosophie offre précisément une méthode de questionnement qui ne se laisse pas soumettre aux dispositifs méthodologiques et qui se met en quête de l’essence des choses ou des événements qu’elle rencontre.
La plupart des chercheurs en sciences de gestion cherchent à se rendre utiles aux organisations : que puis-je leur apporter ? quels outils puis-je proposer ? quelles pratiques puis-je étudier ? Ce faisant, nous oublions de nous interroger sur le sens : d’une part, de cette façon de faire de la science (l’utilité est-elle un critère scientifique ?), d’autre part sur les objets mêmes que l’on prend comme champs d’étude. La philosophie offre précisément une méthode de questionnement qui ne se laisse pas soumettre aux dispositifs méthodologiques et qui se met en quête de l’essence des choses ou des événements qu’elle rencontre.
Dans vos deux ouvrages, vous pointez la place prépondérante que la cybernétique occupe dans le management. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Il est vrai que le management se constitua en même temps que la Révolution Industrielle au XIXe siècle et qu’il trouva une formulation doctrinale aboutie en 1911, dans les Principes du Management Scientifique de Taylor. Mais, au mitan du XXe siècle, la cybernétique révolutionna l’ensemble des champs scientifiques en y introduisant le concept scientifique d’information : d’où la société de l’information et de la connaissance dans laquelle nous vivons encore aujourd’hui. Le management n’échappa à cette révolution, ainsi qu’en témoigne l’apparition du management stratégique et du contrôle de gestion dans les années 1960.
Vous décrivez un monde soumis aux lois du management.
C’est effectivement le cas. On peut prendre le management comme objet de réflexion philosophique en soi, et c’est évidemment très intéressant de mieux comprendre cette forme récente de gouvernement scientifique des hommes. Mais on peut également observer que le management tend à s'infiltrer à des sphères qui devraient lui rester étrangères car elles ont leur logique propre : par exemple l’État, l’armée, l’université, etc. Je crains en effet que ces institutions ne perde leur raison d’être en mettant en place des outils managériaux (ce qui ne signifie pas, loin de là, que je cautionne la mauvaise gestion et la gabegie).
Et Heidegger dans tout cela, puisque vous y consacrez votre dernier ouvrage ?
Heidegger est certainement le plus grand philosophe du XXe siècle. Mais on attendrait pas, effectivement, qu’un tel métaphysicien ait quelque chose à nous dire sur le management. Or, c’est doublement faux : d’une part car Heidegger prit la Technique très au sérieux dans sa pensée, d’autre part parce qu’il s’intéressa de près à la cybernétique dans les années 1960. Or, vous l’avez compris, cerner la cybernétique, c’est se ménager un accès à une meilleure saisie des fondements du management.
Pour accéder aux livres :
Au fondement du management : Théologie de l'organisation
Heidegger et la question du management
Pour suivre les recherches de Baptiste Rappin :
Site internet