Reprendre une entreprise en difficulté nécessite une forte implication de l’investisseur, tant financière qu’opérationnelle, pour réussir un retournement qui peut prendre plusieurs années. Voici trois règles pour y parvenir.
1. Bien évaluer le financement de la reprise en tenant compte de sa situation juridique
Le prix d’acquisition ne pouvant être défini en utilisant les modes de valorisation traditionnels, (comme la méthode basée sur l’utilisation d’un multiple d’EBITDA, ce dernier pouvant être négatif), l’acquéreur doit s’appuyer sur l’évaluation de l’enveloppe globale de financement à dédier au retournement pour que celui-ci réussisse.
Cette enveloppe doit être évaluée de manière à servir les principes d’action suivants :
– Procéder à l’apurement de la situation financière dégradée – fréquemment constatée au moment de la reprise – résultant des pertes historiques auxquelles le management de la cible a dû faire face. Il s’agit notamment de traiter les retards de paiement des fournisseurs avec lesquels on projette de poursuivre la relation de partenariat (lire aussi la chronique : « Client-fournisseur : pourquoi il faut parier sur la confiance »), voire d’établir des moratoires avec d’autres créanciers (fiscaux et sociaux) ;
– Envisager le coût des mesures de restructuration opérationnelles ;
– Réaliser les investissements nécessaires (industriels, marketing, etc.) pour rattraper le retard pris par la cible en raison d’un défaut de trésorerie ;
– Financer les pertes intercalaires potentielles avant le retour à l’équilibre résultant des mesures mises en œuvre ;
– Financer le besoin en fonds de roulement (BFR) de reprise dans le cas d’un « asset deal » (achat d’actifs plutôt que d’actions ou de parts dans le cas d’un « share deal », NDLR).
Le montant de cette enveloppe devra aussi tenir compte de l’environnement concurrentiel, du nombre de repreneurs potentiels, mais également du contexte juridique de la reprise, car ces facteurs sont susceptibles d’influer sur son prix.
En effet, il est fréquent qu’une procédure de prévention soit ouverte en amont de la cession, dans le cas où l’entreprise concernée est en difficulté. Mises à disposition par la loi de sauvegarde, ces procédures constituent de très bons outils pour encadrer et sécuriser une opération de reprise et peuvent faciliter les négociations avec les créanciers en permettant d’obtenir des délais de paiement, voire des réductions de dettes, limitant ainsi le coût de la reprise.
A ce titre, le législateur a introduit dans l’ordonnance du 12 mars 2014 la possibilité d’opter pour un « prepack cession », dont l’objectif principal est de préparer, dans le cadre de la procédure de prévention, une proposition de plan de reprise qui interviendra par voie de cession auprès du tribunal, dès l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire (RJ). Ce dernier prend donc la forme d’un « asset deal », en exemptant les acquéreurs des risques et engagements qui résultent du passif de la cible. De fait, le « prepack cession » dispense la procédure d’un processus complet de recherche de repreneur, même si celui-ci doit être sérieux et documenté, c’est-à-dire bien souvent certifié par la signature d’un mandat confié à une banque d’affaires de renom. Cette disposition est appréciable pour les sociétés pour lesquelles un redressement judiciaire trop long serait préjudiciable.
2. Planifier les 100 premiers jours pour gérer l’urgence avec lucidité
En parallèle des questions de financement et des actions de négociation portant sur la restructuration de la dette, les évolutions actionnariales ou la cession d’activités non stratégiques, le repreneur doit préparer avec toute la diligence possible le volet opérationnel de l’opération, car il s’agit d’un levier indispensable à sa réussite.
Grâce aux analyses de modélisation de trésorerie et à l’identification des sources de « cash-burn » (consommation de trésorerie, NDLR), un plan à 100 jours peut être défini pour mener les actions prioritaires d’optimisation de la trésorerie. Axé prioritairement sur les grands postes de trésorerie à court terme (comme la réduction des stocks de produits finis, par exemple), il permet de réduire le BFR court terme, d’optimiser rapidement la marge brute et par conséquent l’EBITDA.
Ce business plan regroupera l’ensemble des actions concrètes et pragmatiques nécessaires pour atteindre une rentabilité à moyen terme en capitalisant à la fois sur les gains rapides prévus par le plan (« quick wins ») et sur les métriques construites en vue de l’atteinte des objectifs définis pour les 12 mois suivants (trésorerie, taux de service). Ce plan nécessite la simplification des indicateurs de pilotage avec une vision à plus court terme, ainsi qu’un management plus transparent pour dynamiser les équipes et les fédérer autour du projet de retournement.
Enfin, un exercice de vérité est nécessaire pour vérifier les compétences disponibles dans l’entreprise et mener à bien son redressement : la structure est-elle en mesure de conserver les ressources clés, telles que les commerciaux, les experts métiers/produits, les leaders d’équipes respectés et charismatiques ? Faut-il s’adjoindre les services d’experts reconnus en retournement ou en problématiques sectorielles ? Comment les trouver ? Autant de questions cruciales pour une restructuration efficace et pérenne.
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Publié par Marc Ferrey, Directeur exécutif, porteur des offres d’optimisation opérationnelle pour EY Paris, et Philippe Hery, Associé EY, responsable de l’activité Restructuring pour la France et des activités de Corporate Finance pour la région Ouest, sur Hbrfrance.fr